Enseveli sous une montagne de peluches derrière un toboggan en plastique, l’étudiant en médecine profitait d’un moment de répit pour roupiller après avoir passé une matinée plus qu’éreintante. C’était son petit jardin secret, son spot habituel où il réussissait à échapper aux radars de ses supérieurs hiérarchiques. Pour autant, il n’était pas maître de ce havre de paix, il n’en était qu’un passager clandestin qui, pour espérer continuer à se cacher, devait subir les caprices des maîtres. Si par moment, il arrivait à les tromper et devenir invisible, la plupart du temps, il était pris en embuscade et se retrouvait à devoir se métamorphoser : d’un hulk révolté, il pouvait finir à quatre pattes et se transformer en cheval. Il devait jouer avec eux pour acheter leur silence.

Le silence inhabituel des enfants l’empêche de fermer l’œil. Poussant les peluches qu’il avait lui-même empilé sur lui, il remarque leur absence. Il est seul, avec une enfant de cinq ans. « Psst… » murmure-t-il pour détourner son attention de la poupée qu’elle habillait. L’absence de réponse le pousse à réitérer son interpellation qui se voulait discrète, et cette fois, il agite un bras pour attirer son attention. Ce n’est qu’au bout de la sixième tentative, qu’elle le remarque, un sourire fend instantanément ses lèvres. « Ils sont passés où tes copains ? », la question est simple et la réponse le surprend. Il comprend soudainement l’agitation dont il a été le témoin en se faufilant ici. Les ballons, les guirlandes, les fleurs, l’hôpital célébrait la journée des enfants et pour que cet évènement soit une réussite absolue, ils avaient mis les bouchées doubles : petits ateliers ludiques et spectacles en tout genre, magicien, jongleurs, acrobates, clown. « Dans ce cas, ça te dirait d’aller les voir avec moi, princesse ? », il se lève et lui ouvre ses bras. La portant sans difficulté, il descend les étages par l’ascenseur et attrape un des programmes distribués par un lapin géant. « Il y a un spectacle de clown dans le jardin, tu veux y aller ? », il la fait descendre de ses bras et lui tient la main pour pouvoir lui donner une sucette et en déguster une. Avec le monde qu’il y avait, il lui était difficile de contenir l’excitation de la petite, qu’il libéra bien vite en s’assurant qu’elle rejoigne toutefois le banc empli d’enfants.

Une personne le bouscule, parce qu’elle manque de tomber, il la rattrape. « Est-ce que ça va ? »


@Yi Soo

L’hôpital où Soo se rendait aujourd’hui célébrait la journée des enfants et on l’avait invitée pour cette occasion, pour passer voir les patients. Elle se demandait d’ailleurs bien pourquoi, elle ne devait pas être spécialement populaire parmi les enfants et elle se sentait souvent mal à l’aise en leur présence. Bien qu’ils soient moins enclin à se faire de fausse idée et s’imaginer des choses, malgré leur grande imagination. Elle aurait préféré pouvoir envoyer son frère à sa place, il avait toujours été bien plus doué qu’elle avec les enfants et les gens en général et elle avait toujours envié sa sociabilité.

Armée de son masque et de ses lunettes de soleil pour tenter de passer incognito à l’hôpital, elle suivit son manager ainsi que l’organisateur de l’évènement. Elle fut rapidement conduit dans une petite salle de réunion dans laquelle on lui expliqua la journée rapidement pour finir par la maquiller et la lâcher en pleine nature. Elle avait l’occasion de rendre visite aux enfants seule, sans être accompagner par toute une tripotée de gens ni même de son manager, et c’était bien là la seule bonne nouvelle de la journée.

Elle commença alors tranquillement son petit tour, sans jamais vraiment oser rentrer dans les chambres et regardant par la porte les enfants profiter du spectacle des autres intervenant. Au bout d’un moment, tous les enfants furent accompagné à l’extérieur et la jeune femme suivit simplement le groupe dans les jardins de l’hôpital. La température était fraîche mais agréable et il n’y avait pas un seul nuage à l’horizon, le temps idéal pour un spectacle. Un sourire aux lèvres, Soo s’était approché doucement du spectacle en cours, avant de faire volte face pour tenter de s’en aller le plus rapidement possible.

Dans la panique, elle bouscula plusieurs personne et alors qu’elle arrivait enfin à s’éloigner trébucha et manqua de s’étaler par terre. Mais quelqu’un la rattrapa au dernier moment lui demandant au même moment si ça allait. Son visage était devenu pâle et les larmes lui étaient montées aux yeux. Elle avait du mal à se calmer et avait simplement envie de se terrer dans un coin et oublier le clown qu’elle venait d’apercevoir. Son simple souvenir la fit frissonner, puis elle se rappela qu’une personne lui avait posé une question et y répondit par un marmonnement qu’elle avait voulu compréhensible mais qui ne l’était pas le moins du monde, la panique l’empêchant d’articuler correctement. La jeune idole fini par lever les yeux vers le jeune homme qui l’avait rattrapé et voulut se redresser correctement pour qu’il puisse retourner vaquer à ses occupations mais ses jambes ne voulurent tout simplement pas la faire tenir debout et elle dû se rattraper au jeune homme. Quelque peu honteuse, elle esquiva son regard et s’excusa rapidement “Désolée, je suis juste un peu fatiguée.” Elle avait dit ça dans l’espoir qu’il l’a laisse se reposer un peu, mais elle avait négligé la blouse de médecin qu’il portait.    

Ce n’est qu’une fois s’être rassuré qu’elle avait bien rejoint ses camarades que Aethan reporta son attention sur celle qu’il avait bousculé et rattrapé de justesse. Il se félicitait parfois d’avoir des réflexes utiles. Toutefois le regard fuyant de cette dernière, la faiblesse de sa voix, son teint pâle attire en particulier son attention. S’il l’aide à se redresser avec une précaution, il ne la lâche pas pour autant, bien au contraire, il la tient fermement. Il a le sentiment que s’il le faisait, il ne pourrait pas la rattraper une seconde fois, qu’elle tombe ou décide de partir. Ce n’est pas tant un sentiment d’obligation qui le pousse à rester aux côtés de cette demoiselle en détresse, mais simplement le bon sens : si cela avait été sa sœur, il aurait souhaité que quelqu’un puisse également veiller sur elle, de la même façon qu’il comptait le faire présentement. Même s’il savait qu’avec le caractère particulièrement difficile de Aeysha, la meilleure des solutions serait de la laisser tranquille – au risque de finir avec des marques d’ongle sur le visage.

« Ne vous excusez pas » répondit-il avec douceur pour la mettre en confiance, l’aider à retrouver ses esprits sans trop la brusquer. Il esquisse un sourire qui se veut rassurant et ajoute, d’une voix légère, « si vous voulez, je connais un endroit calme à l’étage ». Une suggestion ? Pas vraiment, car sur ces mots, il la guide déjà au travers de la petite foule vers l’intérieur de l’établissement. Il y avait toujours du monde, mais c’était un brin moins agité. « Ah, une boisson chaude peut-être ? », il posait cette fois une véritable question en apercevant le distributeur sur leur droite.


@Yi Soo

Le visage de l’homme qui l’a rattrapé lui dit quelque chose, mais elle a encore l’esprit embrhumé après son malaise. Elle a beau le dévisagé, elle ne peut remettre un nom sur son visage, mais le sourire calme du jeune homme la rassure et elle le suit sans faire d’histoire après avoir simplement acquiescé d’un signe de tête. Soo n’a de toute façon aucune envie de rester par ici, près de la vision d’horreur que le clown lui inspire et plus elle peut mettre de distance entre lui et elle, mieux elle se porte.

Il la conduit alors à l’intérieur et elle le suit docilement, elle n’a de toute façon pas assez de force pour se débattre, il la tient fermement sans lui faire mal pour autant. “Un thé au citron s’il y a” elle répondit sans même réfléchir, presque instinctivement et ils se dirigent alors vers le distributeur et elle en profite pour s'asseoir sur l’une des chaises à proximité. Maintenant qu’elle est en sécurité loin du clown, elle commence à se sentir un peu mal à l’aise, d’avoir laissé sa faiblesse et sa peur prendre le pas. Elle n’a même pas pu encore aller voir les enfants véritablement, elle était simplement restée sur le pas de la porte, trop anxieuse à l’idée de faire une gaffe en leur parlant. Et puis, elle reste convaincu qu’aucun enfant, qu’importe leur âge, n’a envie de la voir, ils ne doivent même pas la connaître.  

Quand elle sort enfin de ses pensées, un petit gobelet de thé l’attend sur la table à côté d’elle. “Merci… Pour le thé, et pour être restée avec moi.” Elle lui répond avec un sourire mais se sent rapidement gênée par le regard du jeune homme et elle ne peut s’empêcher de rougir légèrement et détourne les yeux pour se concentrer sur la fenêtre à côté d’elle. Elle sait qu’elle connaît le jeune médecin, les papillons dans son ventre la convainc, mais son cerveau refuse pour le moment de lui délivrer le nom tant recherché...

“Vous êtes médecin ici ?” La question est complètement stupide, elle le sait bien. Il porte une blouse et semble bien connaître les lieux, il ne lui manque plus qu’un stéthoscope autours du cou et il a la panoplie du médecin. A la limite, il pourrait peut-être être interne, mais ça ne change pas grand chose. Elle n’a pas réellement envie de savoir s’il est médecin ou pas, c’est juste un prétexte pour qu’il reste ici avec elle.      

L’étudiant en médecin ne fit pas attention au regard fixe de la demoiselle, bien trop occupé à veiller à ce qu’elle ne montre pas de signes plus inquiétant. Et même si son regard croisa le sien, il se contentait de lui offrir le sourire le plus rassurant, celui qui sous-entendait, « vous êtes entre de bonnes mains, ne vous inquiétez pas ». Mais plus ils s’éloignaient de la foule, du bruit, plus elle semblait se détendre. Pour autant, il ne la lâcha pas, il l’aidait à se déplacer en adaptant son allure pour que l’effort soit minime pour elle et surtout, il lui parlait afin de s’assurer que tout allait bien. Si tenir une conversation n’était pas le point fort du jeune homme, bien plus bavard quand il s’agissait de poser des mots sur des papiers, de composer, il savait qu’il ne pouvait se permettre d’être ainsi, au sein de l’hôpital et dès lors qu’il pensait ainsi, sa langue se déliait. L’expérience prenait le dessus.

Il s’assure qu’elle soit bien assise sur son siège avant de se permettre de la lâcher et de fouler les trois pas qui la séparait du distributeur. « Oh, je pensais être le seul à apprécier ce thé » fit-il remarquer en esquissant un sourire, insérant les pièces pour deux thés plus que sucrés. La gourmandise prenait le dessus pour lui, mais elle, elle avait besoin d’un petit remontant et le sucre était plus qu’efficace lors de ces petites occasions.

Quand il se retourna, il remarqua que la jeune femme semblait perdue dans ses pensées, si bien qu’il s’installa face à elle sans faire de bruit. Il fit poser le gobelet jusqu’à elle et attendit patiemment, touillant sa boisson avec tranquillité. « C’est normal, n’importe qui l’aurait fait. Buvez, il doit être tiède maintenant », il s’amuse du fait qu’elle détourne le regard mais il n’en pipe pas un mot. Il se concentre sur sa boisson avant de suivre le regard de la demoiselle en direction de la fenêtre. Cette petite cafétéria donnait sur une partie du jardin plus calme car très ombragée. Les patients les plus âgés aimaient s’y arrêter pour prendre l’air, pour observer depuis les bancs, la vue sur les fleurs entretenues chaque matin par un jardinier, ou encore, plus loin, les aires sportives où le bruit des rires se diluait sans effort avec le vent.

« Pas encore » répond-il en reposant son regard sur elle, même si dans quelques années, son badge allait le présenter comme un véritable médecin, et non interne « j’ai encore bien à apprendre pour prétendre l’être ». Même si elle n’en demandait pas tant, que sa voix ne trahissait aucune once de méfiance, il sortit de la poche de sa blouse, son badge pour le lui présenter. Parce qu’il ne comptait pas retourner à son poste, il ne voulait pas non plus retenir la jeune femme. « Est-ce que je dois prévenir quelqu’un de votre absence ? ». Il ne l’avait jamais vu ici, elle pouvait être une patiente d’un service auquel il n’était pas affecté, ou bien la famille d’un patient. Mais dans tous les cas, s’il pouvait éviter une inquiétude de la part de ses proches, il serait ravi d’aider. « Une petite annonce sonore et le tour est dans la poche ».


@Yi Soo

Elle porte enfin le thé à ses lèvres et le sucre qu’il contient lui permet de récupérer un peu de force et de couleur. Elle commence enfin à se sentir mieux et elle peut enfin se permette de le regarder sans défaillir comme une idiote. Pour autant, son nom ne lui revient pas, mais elle se sent bien en sa présence, fait suffisamment rare pour être noté. La jeune idole se demande tout de même pourquoi son nom n’est pas noté sur le badge du jeune homme ou alors il l’est et elle ne l’a juste pas repéré. Fixer son torse du regard reste tout de même gênant et elle préfère éviter, qu’il n’aille pas s’imaginer des choses.

Avec la question du jeune homme, elle fini par réaliser que son manager doit la chercher absolument partout et qu’elle a certainement provoqué une panique monstre à disparaître ainsi. «Ah, j’aimerais éviter l’annonce sonore mais je vais prévenir mon manager...» Sur ces mots, elle se saisit de son téléphone et pianote quelques minutes, le temps de chercher ses mots et fini par l’envoyer. Quand elle relève le visage, le regard du jeune homme la déstabilise. Elle se sent obligée de lui expliquer la situation, elle lui doit bien ça de toute façon, même si elle ne désire par forcément dire à tout le monde qu’elle est une idole. «J’ai été invité par l’hôpital pour voir les enfants, même si je ne comprends pas trop, je ne pense pas qu’ils apprécient mes chansons» Elle se tait un instant, perdu dans ses pensées «Hm» elle hésite, incertaine de pouvoir lui dire véritablement qui elle est. «Je suis idole, Selene.» Elle s’arrête encore et tente d’analyser la réaction du jeune homme. Est-ce qu’il l’a connaît, est-ce qu’il apprécie ses musiques ? Elle ne pensait pas qu’elle avait tant besoin de connaître ses réponses et pourtant elle est désireuse de le savoir.

Et puis d’un coup, son cerveau se remet en ON et elle réalise enfin qui se trouve devant elle. Qui l’a vu dans un moment de faiblesse et qui s’est occupée d’elle quand elle n’allait pas bien. C’est son ange gardien, celui qui l’a déjà aidé de nombreuse fois mais toujours de façon désintéressé. La voilà qui rougit de nouveau, encore plus que la dernière fois et son regard fuit celui du jeune homme. Elle aimerait pouvoir disparaître, s’en aller loin voir même retourner près du clown. Elle a un peu honte d’elle même et de sa phobie, de sa faiblesse. Elle tente alors de fuir sans qu’il ne se doute de rien «Je vais devoir y aller, je dois retourner voir mon manager» mais quand elle tente de se relever, la voilà qui trébuche. Avec son visage rouge et sa maladresse, elle semble encore plus malade qu’avant....

Si le regard de Aethan guettait le moindre symptôme qu’il avait pu manquer ou qui pouvait resurgir chez sa nouvelle patiente,
il n’en restait pas moins qu’il affichait un calme olympien et ne la pressait nullement pour avoir réponse à ses questions. Il lui laissait le temps qu’elle avait besoin pour se remettre de ses émotions et trouver ses mots, tout comme il prenait soin de ne pas la noyer de questions. Lui-même n’était pas réellement pressé puisque la plupart des patients qu’il suivait étaient en train de profiter des activités sous le regard affuté du personnel soignant, tandis que ceux qui n’étaient autorisés à sortir, recevaient personnellement une visite. Tout était parfaitement sous contrôle, du moins jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre accidentelle de cette parfaite inconnue. Nouvelle patiente, le terme n’était pas totalement exacte au vue de sa tenue mais quelque que chose en elle le laissait perplexe et ce petit quelque chose qui commençait à le perturber. Il avait ce sentiment désagréable d’avoir raté quelque chose, un détail, une impression, et cela suffisait à le frustrer quelque peu. Une frustration qui n’était pas en soi négative tant qu’il le prenait comme un défi, un jeu. « Manager », là encore le mot résonne dans son esprit, le fait tiquer et sans le réaliser, il le répète sans qu’un son ne traverse le seuil de ses lippes.

Pour dissimuler cette pseudo-gêne, il se concentre davantage sur la voix de la demoiselle. « Oooh, vous faites partie des invités », une réalisation qui ne change en aucun cas son comportement tant il affiche la même expression, qu’il garde la même posture quand d’autres se seraient certainement levés pour un serrage de main, ou qu’inconsciemment, ils se seraient redressés sur leur siège pour se pencher en avant, comme pour mieux observer la personne. « Enchanté, Se… », le prénom le fige, même s’il se reprend rapidement en rectifiant « Selene », d’un sourire aguicheur, Aethan est persuadé de passer à côté de quelque chose pour sûr. Plongé dans ses pensées, il manque complètement la soudaine réalisation qui étire les traits de la demoiselle, mais pour autant, il ne la laisse pas partir aussi facilement. « Je vais vous accompagner dans ce cas, ce serait plus sage… » dit-il en levant le regard, et avant même de pouvoir terminer sa phrase, il se lève dans la précipitation pour la rattraper. Ses réflexes sont bons, la distance est courte, et Selene est toujours aussi légère même avec quelques grammes de sucres dans le sang. Un petit rire lui échappe, la gardant dans ses bras, il ajoute « plus sage au cas où il vous arriverait quelque chose. Au moins, je pourrais vous aider. » Constatant le rouge de la demoiselle, il l’aide à retrouver l’équilibre et lui propose son bras. « Allons-y ». Le choix ne lui était pas laissé.

@Yi Soo