Cachée derrière de grosses lunettes de soleil mouches alors qu’aucun rayon de soleil ne réussissait à percer les épais nuages accompagnant le brouillard qui s’était élevé durant la traversée, Sunhee observe la proue du navire fendant les vagues qui se faisaient aussitôt avalée par ce voile blanc. Ignorant les regards curieux qu’on pouvait lui lancer, la demoiselle était plongée dans ses pensées car plus elle arrivait à destination, ce village qui semblait s’être enfermé dans une bulle où le temps ne pouvait avoir d’emprise, et plus les souvenirs qu’elle pensait avoir oublié ressurgissait un à un comme par magie. Pour autant, ce qui la ramène à la réalité n’est pas le sifflet du bateau, ni même l’agitation autour d’elle, mais la simple vibration de son smartphone personnel l’avertissant d’une notification. Qui disait notification disait réseau et donc, que le débarquement sur les côtes n’allait pas tarder. Sans même à avoir à lire le nom qui s’affichait, l’actrice avait déjà une idée de qui était à l’origine de ce message, sa meilleure amie arrivée avant elle sur l’île quelques heures auparavant, mais elle laisse le message sans réponse car elle refusait de répondre à la question : dans combien de temps arrives-tu ? Ne voulant pas mentir, elle recourait à l’omission car elle redoutait de voir Narae pointer le bout de son nez au quai et qu’elle finisse par attirer inutilement trop d’attention. Sa présence sur l’île était incognito, tout le monde la connaissait… après tout, elle était une enfant de l’île et son grand-père était très apprécié de son vivant.    

Poussant avec lenteur les grandes portes de bois à l’entrée, elle fait rouler sa valise jusqu’à l’entrée de sa villa traditionnelle mais sans aucune intention de se déchausser. « Narae ~ ça te dit de sortir ? Genre aller voir des lucioles ? », une envie soudaine après avoir ressassée sans le vouloir quelques souvenirs et puis, celle de montrer à Narae, un lieu unique sur l’île qui attirait chaque année de nombreux petits curieux.

Pour autant, l’ijhyeo ne se doutait pas des conséquences de cette simple question. Que pour distraire des enfants du coin qui avaient perdus une balle dans sa direction, elle s’était hâtée de tirer, mais que la balle avait terminé sa course sur les panneaux indiquant à gauche la crique, et à droite la forêt. La signalisation se retrouvant inversée et le manque d’attention de la native la poussa à ne pas réfléchir une seconde fois et de s’enfoncer avec son acolyte sur un sentier non désiré.

Le bruit de la mer avait toujours réussi à apaiser Narae. Depuis son arrivé à Incheon, sa tante et elle s’était souvent promenée sur la jetée, admirant les vagues, se reposant aux bruits de la mer. Et ici sur l’île, la mer semblait encore plus grandiose que d’habitude. Après de longue minute resté à observer l’eau, la jeune femme finit par se relever et enlève grossièrement le sable resté collé sur sa jupe. Elle rejoint alors la villa de Sunhee dans laquelle elle a déjà déposée ses affaires.

Avoir une actrice connue comme meilleure amie est parfois compliqué. Les deux jeunes femmes n’arrivent pas à se voir souvent, et quand elles y arrivent, elles doivent faire particulièrement attention à ce que personne ne reconnaisse la célébrité. Narae aurait parfois aimé que son amie reste une jeune femme comme une autre, mais cela aurait été un talent gâché par son égoïsme. Et puis, Narae était certaine que Sunhee aimait ce qu’elle faisait et la savoir heureuse était le plus important pour elle.

Après de longues minutes à attendre -peut-être même bien une heure, il faut dire qu’elle a perdu la notion du temps- elle finit par envoyer un sms à Sunhee. Mais elle n’a aucune réponse. Sunhee est donc soit encore en mer, loin du large et du réseau, soit elle évite simplement de lui répondre. Dans tous les cas, il ne sert à rien de rester le nez collé au téléphone à attendre une réponse. Pour autant, elle ne se sent pas de faire le tour de la villa seule, elle a l’impression d’envahir l’intimité de sa meilleure amie.  Elle préfère alors attendre sagement dans le salon que Sunhee arrive.

Et après quelques temps, la voilà qui débarque avec ses lourdes valises. Un sourire apparaît sur le visage de Narae et elle se précipite vers son amie pour l’aider à se débarrasser de ses bagages. Elle n’a pourtant pas le temps de véritablement l’aider que Sun Hee lui propose déjà une activité. Aller voir les luciole. Sur le navire qui la déposait sur l’île, Narae s’était enquis des lieux à visiter ici et la criques aux lucioles lui avait forcément donné envie. Au vue de l’heure, le temps qu’elles arrivent là bas, le soleil aurait commencé à se coucher pour laisser place aux lumières qui avaient donné son nom à la crique. C’était donc le moment parfait pour y aller. “Oh oui ! En plus si on part maintenant on devrait arriver au bon moment pour profiter des lumières !” Elle attrape rapidement ses baskets et les enfile en vitesse avant de talonner Sunhee.

La jeune femme ne fait pas attention aux chemins qu’elles empruntent, elle ne connaît de toute façon pas les lieux, suit sans faire d’histoire l’ijhyeo à travers la forêt. Pourtant au bout de plusieurs longues minutes, aucun signe de la baie et la forêt se fait de plus en plus sombre. Accélérant le pas un peu, elle attrape le bras de son amie “T’es sûre qu’on est sur le bon chemin ? Parce qu’il commence à faire sombre et on voit toujours pas la mer…” Elle fait une pause un instant, le temps de jeter un coup d’oeil autours d’elle. La forêt est peut-être jolie, mais elle devient rapidement plus angoissante à mesure que la luminosité descend. “On est si lente que ça ?” Sa question est purement rhétorique, elle n’attend pas spécialement de réponse, elle tente simplement de couvrir les bruits de la forêt inquiétant de la forêt. Et alors qu’elles s’enfoncent un peu plus dans les bois, un son étrange parvient jusqu’à elles, une sorte de gémissement venu des entrailles de la forêt...

Une proposition spontanée qui, même si elle semblait être une pure question de rhétorique, ne cachait aucun signe d’autorité ou de despotisme car Sunhee restait toujours à l’écoute de sa meilleure amie, en quête de son éternelle approbation. En aucun cas, elle ne voulait se faire détester de cette dernière – car c’est la seule qui compte, le plus, à ses yeux. Même si certains lui reprochaient sa froideur, son ton de voix parfois sec qu’elle pouvait avoir comme si tout ce qu’elle pouvait dire était une évidence, il n’en restait pas moins que l’actrice était bien différente de cette impression qu’elle pouvait donner. Une chose était certaine, sa froideur est rarement qu’une simple impression lorsqu’elle ne vous apprécie pas. « Je t’attends, prend ton temps » lança-t-elle à Narae, ralentissant le pas pour la laisser la rattraper afin qu’elles puissent faire le chemin ensemble pour discuter tout en profitant de la vue que leur offrait le village Ongjingun. Sans se dévoiler complètement, elle lui racontait de petites histoires, sa boulangerie préférée, là où elle se cachait parfois pour lire, ou encore, les chemins que peu de gens connaissait mais donnaient une vue imprenable.

Mais se reposer uniquement sur ses souvenirs, et donc sur sa mémoire, venait de lui jouer un tour. Quand par mégarde, elle n’eut pas de suite le déclic qu’elles commençaient à emprunter un chemin différent de celui vers la crique aux lucioles. Par déni, et aussi distraite par sa conversation avec sa meilleure amie, la demoiselle la guida dans l’obscurité de la Forêt aux esprits. « Je t’avoue que je n’entends pas la mer non plus, pourtant le panneau indiquait bien cette direction… ». Bien que les deux sites soient connus, ils étaient peu balisés afin d’éviter la foule mais également préserver l’authenticité et la prospérité des lieux. Sunhee ralentit le pas et commençait à observer la forêt épaisse qui les entourait. Quelque chose n’allait pas, et son instinct le lui faisait savoir mais pour autant, elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur le sentiment qui l’envahissait. « Il y avait pas un couple qui nous suivait tantôt ? », elle les cherche du regard et la seule chose qui lui répond, ce n’est pas sa meilleure amie mais un son qui la pétrifie sur place.


Réussite : elle pense à allumer son téléphone portable et le flash illumine une petite statuette de pierre dédié à la protection des voyageurs. Premier déclic, elles se sont bien trompées de chemin.

Échec : elle ne fait rien et lui propose de continuer d’avancer en quête d’indice.