Dans son carnet à moitié déchiré, Fu Qian gribouille au stylo bille, les yeux écarquillés comme un déjanté, il ajoute une dernière touche avant de montrer fièrement le fruit de son travail à son camarade de classe. Celui-ci ne semble toujours pas convaincu et paraît même un peu inquiet ; « ça va bien dans ta tête Xiao Qian ? Tu ne veux pas aller te rafraîchir les idées dehors un peu ? » sont des mots qu’il n’a pas le temps de prononcer.

- Mais si regarde bien ! Mickey dans toute sa rondeur, cache en fait un symbole illuminati, ce qui prouve que Disney essaye de nous laver le cerveau avec des messages subliminaux depuis notre plus tendre enfance dans l’intérêt de cette organisation. Les entreprises les plus riches sont toujours celles qui ont des liens avec les grandes sectes qui contrôlent le monde ! C’est comme Hollywood et la scientologie, il y sont tous accro là-bas, mais je t’avais déjà expliqué tout ça …
- Oui oui, je m’en souviens !

Un mensonge qui n’a pour objectif que de le faire taire avant qu’ils ne gâchent toute l’heure à discuter de ces complots gros comme des montagnes. Il essaye de reporter son attention sur leur devoir, mais Fu Qian n’en a visiblement pas l’intention ; stylo en moustache, il se balance dangereusement sur sa chaise et observe les tâches du plafond.

- Le vieux Wang essaye de nous faire rejoindre sa secte, je te jure ! C’est pour ça qu’il nous demande de faire des recherches sur ce rat en chaussette, il en est lui-même membre… en plus tu sais ce que m’a dit Mao Suyin ? C’est un vampire, ce qui me laisse à penser que les autres en sont aussi ...
- …. Ta copine aux pouvoirs psychiques ? Mais bien sûr, tu sais que ses parents tiennent une librairie, c’est facile pour elle de trouver l’inspiration pour raconter toutes ces histoires et toi tu tombes dans le panneau …
- Non ! Elle dit la vérité ! Fu Qian fait retomber sa chaise dans un grand bruit, le regard plongé dans celui de son ami avec l’intention de l’intimider. J’étais là quand elle a reçu un message des esprits, elle sait leur parler et les reconnaître, ils lui ont dit de se méfier du vieux Wang, alors maintenant elle demande à aller à l’infirmerie pour chacun de ses cours.
- T’as jamais été le plus brillant d’entre nous, mais l’amour te fait perdre la tête mon pauvre. Elle n’est même pas si jolie !

Fu Qian décide que c’est le moment opportun  pour ignorer cet imbécile et écrit en gros sur sa feuille de devoir : « COMPLOT !!! LES RICHES VEULENT NOUS LOBOTOMISER !! » Puis il va la poser sur la table du vieux Wang avant de sortir de la salle de classe, sans manquer de tirer une tête de dégoût à son « ami ». Il se dit, en arpentant les couloirs à la recherche de sa chère et tendre Xiao Mao, qu’il aurait besoin de meilleurs amis, du genre qui ne critiquent pas sa petite amie et qui respectent ses opinions ; ce n’est quand même pas trop demander !

Il trouve Mao Suyin sur le toit, en pleine communion avec les esprits. Le soleil réchauffe ses cheveux leur donnant des couleurs mordorées et Fu Qian reste un instant silencieux à l’observer. Un souffle de vent le surprend et il ferme les yeux pour éviter la poussière qu’il soulève ; quand il les rouvre, Mao Suyin le fixe en souriant et il se laisse tomber sur ses genoux.

- Qu’est-ce qu’ils ont dit cette fois ?
- Il y a un cadavre dans la rivière Fen qui devrait faire surface d’ici ce soir, regarde bien les infos.

Il acquiesce silencieusement et la laisse Xiao Mao lui caresser le visage, comme si elle voulait se souvenir de sa forme du bout de ses doigts. Elle chuchote quelques mots qu’il ne perçoit pas, avant de sombrer dans un demi-sommeil. Ce soir-là, on annonce effectivement aux infos un meurtre près de la rivière et sans en écouter davantage, il envoie un emoji confiant à Mao Suyin, pour lui assurer qu’il n’a jamais douté d’elle. Elle lui répond un simple “bonne nuit” et son cœur s’envole au delà des étoiles.


La main posée sur le torse nu de son compagnon, il cherche à écouter les battements de son cœur, mais ne décelant rien, sa paume bien à plat, il se lève sur le lit en vitesse.

- J’en étais sûr, tu n’as pas de cœur !

Il se veut dramatique et un peu inquiétant aussi, mais cela n’arrache qu’un sourire à Cao Xieren qui presse son épaule pour le faire retourner sous les couvertures, au chaud. Comme il est plus fort que lui, Fu Qian se doit de s’exécuter, non sans rechigner. Il tend la même main vers le plafond et observe la lumière qui passe à travers les stores éclairer la peau translucide de ses doigts.

- Tu sais je suis certain qu’il y a des êtres qui peuvent vivre sans coeur… il y en a bien qui en ont trois sans qu’on s’explique pourquoi ...
- Tu n’as juste jamais cherché, tu crois toujours ce qui t’arrange.
- Il y a quelque part des êtres qui peuvent faire des choses extraordinaires, je vais les trouver et je vous prouverai à tous que vous aviez tort de douter de moi… et de Xiao Mao !

Cao Xieren lui tourne le dos et soupire bruyamment, pour signifier son mécontentement ; ce qui fait rire Fu Qian qui vient passer, encore la même main, dans les cheveux bouclés de son petit ami.

- Encore cette fille hein ? C’est pas elle qui t’a jeté ?
- Je n’étais pas assez bien pour elle.
- Tu n’es pas assez bien pour moi !
- C’est vrai, je ne suis bon pour personne, mais au moins je m’assume.

Cette fois-ci, Cao Xieren se contorsionne pour lui faire face sans chasser les caresses ; ses yeux clairs se perdent dans l’expression indéchiffrable de Fu Qian. Il aime se sentiment. Que son ami ai désespérément envie de le contredire sans pouvoir trouver les mots justes. Il aime terminer une discussion sur une note grave et pleine de mystère. Il se baisse pour poser un baiser au coin de ses lèvres avant de quitter de nouveau la protection des draps, et enfiler sa chemise qui a passée la nuit par terre.

- Tu t’es décidé pour l’année d’échange ?
- Oui.
- La ville dont « Xiao Mao » t’avait parlé ?

Fu Qian montre toutes ses dents dans un sourire plein d’attentes. Il est si excité qu’il compte les jours jusqu’à l’année prochaine où il pourra s’envoler pour Incheon. Sa mère et Cao Xieren ne sont pas si pressés, ils sont inquiets de le savoir lâché dans un pays étranger ; seulement l’une pour la sécurité de son fils, et l’autre pour la sécurité d’autrui. Mais Fu Qian n’est pas un danger et pour le prouver, il s’attelle même à la concoction du petit déjeuner, avant qu’ils ne doivent tous le deux se précipiter hors de l’appartement pour ne pas être en retard. Et alors qu’ils courent main dans la main, sans une pensée pour les regards des commerçants du quartier, il sent cette fois, le cœur de son amoureux battre à toute vitesse...