Ryu Jin aurait dû se douter que cette journée n'allait pas être ordinaire. Elle le savait dès la seconde où elle s'était réveillée, le décor de sa chambre s'étant dessiné plus lentement qu'elle n'en avait l'habitude. S'étant rendue à l'hôpital lors des heures de visites disponibles, elle était là entrain de faire quelque chose qu'elle n'aurait jamais imaginé faire. Visiter un ancien adversaire d'un combat de boxe réglementé. Ryu Jin n'était pas du genre à s'intéresser à ses opposants mais, peut-être de pitié, elle s'était décidée le matin même à lui rendre visite.
Là assise sur un des sièges de la pièce, la conversation se déroulait normalement, sur le sujet de la boxe, les deux individus trop étrangers l'un pour l'autre pour avoir un autre sujet de discussion. Et cela arrangeait la jeune, elle n'aimait pas parler d'elle même et surtout de son passé qui reste un coffre fermé à double tours. Elle n'aborde pas le sujet, parce qu'elle n'en a pas envie mais aussi car elle ne sait pas comment. Depuis ses 14 ans, Ryu Jin n'a jamais parlé de ses sentiments à personne, n'ayant personne à qui parler. Elle sait pertinemment qu'un jour tout va exploser mais elle tente de repousser ce moment le plus possible. La jeune boxeuse, refuse de se l'avouer, mais au fond d'elle, elle sait qu'elle n'est pas si forte qu'elle ne le prétend.
Une soudaine douleur à l'arrière du crâne la fit rapidement sortir de ses pensées. Elle reposa son regard sur l’alité alors que celui-ci regardait à travers la fenêtre, à son tour plongé dans ses pensées. Leur combat avait été rude, long et demandant. Ce ne fut qu'après plusieurs rounds difficiles que Ryu Jin avait été nommée gagnante. Une victoire oui, mais de justesse. Il n'en aurait fallu que de deux minutes de plus et la victoire lui aurait échappé. L'adrénaline devait sûrement faire son effet mais plus elle y pensa, plus elle se rendit compte de sa chance. C'est quelque chose qu'elle ne dit pas souvent, mais cet adversaire était doué. Elle s'en rappelait très bien, du moment où elle a cru que c'en était fini pour elle.
Deuxième round, des cris d'encouragement tout autour d'elle, un vertige soudain qui lui fit baisser sa garde et voilà un crochet du droit, en plein dans la mâchoire qui l'envoya au sol. Un coup digne d'un K.O qui aurait dû l'être d'ailleurs mais par chance, Ryu Jin eut réussit à se relever lors des dernières secondes restantes et continua son combat. Une notification de son téléphone la fit revenir à la réalité, lui rappelant qu'il était temps de partir. Baissant la tête pendant quelques secondes en tant que salutation, elle se releva de la chaise sans prévoir le voilement momentané de sa vision qui l'obligea à s'appuyer au mur tout le long de sa sortie de la chambre.
Dehors dans le couloir, son mal-être s'accentua. Sa tête commença à être attaquée par des douleurs soudaines, comme si on lui frappait la tête avec un marteau à répétition. Les sons qu'elle percevait devenait de plus en plus distants. Titubant de plus en plus, toujours appuyée contre le mur, sa respiration devenait de plus en plus difficile. Ryu Jin n'a jamais vraiment pris soin de ses blessures, mais surtout ces dernières semaines, son emploi du temps plutôt chargé et la fatigue dégradèrent la situation, l'empêchant de soigner ses dernières blessures, restant donc ouvertes et possiblement infectées.
Au loin, elle put entendre vaguement un : "Madame, vous allez bien ?", de ce qu'elle devina être une infirmière, mais elle n'eut même pas le temps de se retourner que sa vision s’obscurcit complètement et elle sentit son corps s'effondrer au sol. Ryu Jin entendit vaguement des voix paniquées avant que plus rien. Silence.
— Blouse blanche sur le dos, dossiers en main, c'était une journée comme elle en avait vécu tant d'autres à l'hôpital. Ou presque... Elle n'était plus juste la fille du directeur, elle n'était plus l'étudiante non plus, plus l'interne qui avait un diplôme à passer. Tout ça c'était fini. Elle était officiellement neurochirurgienne. Un dénouement prévisible après toutes ces années à étudier pour atteindre ce but. Elle était comme un poisson dans l'eau dans ces couloirs, et ce depuis toute petite. Gamine elle savait déjà qu'elle travaillerait en ces lieux, elle n'en avait jamais douté. Ça lui avait toujours semblé naturel.
Pourtant, maintenant qu'elle était officiellement médecin, elle avait comme cette impression que quelque chose clochait, comme s'il manquait une pièce du puzzle. Et si une part d'elle se demandait sincèrement ce qui pouvait bien la titiller de la sorte, une autre partie ne voulait pas découvrir la clef de ce mystère. Parce qu'au fond, elle savait ce qui n'allait pas, et elle n'avait pas le moins du monde envie d'y penser. Elle préférait se concentrer sur ses patients, étudiant avec soin le dossier de l'un d'eux, accoudée au comptoir du bureau des infirmières.
Ce fut à ce moment-là qu'elle entendit des exclamations, on demandait un médecin en urgence. Elle ne réfléchit même pas et s'empressa d'aller voir ce qu'il se passait. Des infirmières entouraient une jeune femme écroulée sur le sol, l'une d'elles leva la tête vers Jinah et la reconnue aussitôt. « Ah! Doctor Seol! Venez vite, elle s'est évanouie d'un coup! » Sans se faire prier, Jinah ausculta l'inconsciente, prenant son pouls et sa tension, vérifiant qu'il n'y avait aucune hémorragie externe, elle donna ensuite l'instruction de la mettre sur un brancard.
Ce fut ainsi qu'elle se retrouva avec une patiente surprise. Si son état ne semblait pas grave et que sa vie n'était donc pas en danger, Jinah fit état de nombreuses ecchymoses non-soignées, et en déduisit facilement qu'elle s'était battue à plusieurs reprises. Pourtant il n'était marqué nulle part dans son dossier qu'elle soit venue pour faire soigner ces blessures, ce qui inquiéta légèrement Jinah. Si chacun faisait ce qu'il voulait de sa vie et pouvait se battre autant qu'il le souhaitait, il ne fallait cependant pas négliger la santé de son propre corps, en tout cas c'était son avis.
Un mouvement dans le lit de sa patiente attira son attention : elle reprenait connaissance. Un léger sourire sur le visage, Jinah finit de remplir le dossier qu'elle tenait entre les mains avant de le reposer et de s'adresser à la jeune femme, la rassurant du mieux qu'elle pouvait. « Tout va bien, vous êtes encore à l'hôpital. » Evidence, du fait qu'elle avait eu la chance de se trouver sur place au moment de son évanouissement. « Je suis le docteur Seol Jinah, vous vous êtes évanouie en plein milieu du couloir, on vous a donc mise dans cette chambre. Comment vous vous sentez? »
Un plafond blanc et une odeur d'analgésiques dans l'air, c'était les premières choses qu'avait remarqué Ryu Jin, quelques instants après que ses yeux s'ouvrirent. Il ne lui fallut pas longtemps avant de déduire, oú elle se trouvait. Un hôpital. Il lui fallut quelques temps avant qu'elle ne se rappelle comment elle en était arrivée là. Mais ses pensées furent interrompues par une voix provenant de qujelques pas plus loin.
La jeune boxeuse se releva quelque peu de se position allongée avant de tourner le regard vers la propriétaire cette voix. Juste un coup d'oeil à sa tenue de travail lui suffit à deviner qu'elle était une doctoresse. Alors qu'elle allait lui demander ce qui s'était passé, la prénommée Jin Ah la devança et lui indiqua les raisons de cette situation.
Un long soupir s'échappa de ses lèvres. Ryu Jin ne fut même pas surprise, vu l'état dans lequel elle était depuis le début de cette semaine, il fallait s'y attendre. La jeune savait qu'un jour elle allait se retrouver dans un lit d'hôpital, et il semblait qu'il en était temps.
- Pas au meilleur de ma forme. Mes blessures sont toujours autant désagréables et j'ai l'impression d'être éveillée depuis deux semaines mais sinon, ça va.
Elle n'avait aucun avantage à mentir alors elle ne lui dit que la stricte vérité. Elle passa une main dans ses cheveux avant de regarder à nouveau la doctoresse.
- Désolée de vous déranger comme ça, vous devez déjà assez de patients comme ça-
Mais surtout qui dit hôpital, dit plus de factures.
— Le soupir de sa toute nouvelle patiente prouva que celle-ci n’était absolument pas étonnée de se retrouver sur un lit d’hôpital. Au vu de ses blessures, il n’y avait en effet, rien de surprenant dans cette situation. Si Jinah ignorait totalement la provenance des ecchymoses, elle ne doutait pas que la jeune femme ne s’en était pas occupée comme elle aurait dû. De quoi inquiéter le médecin qu’elle était. Le bon point était que la blessée ne semblait pas chercher à cacher sa situation, une bonne chose pour Jinah si elle voulait la soigner convenablement. Des patients qui gardent des secrets à leur médecin, ce n’est jamais bon pour leur santé.
« Je vois. A première vue vous ne semblez pas avoir de commotion cérébrale, mais j’aimerais quand même vous garder en observation pour cette nuit, pour être sûre. Et il faudrait aussi que j’examine vos blessures, histoire de voir si vous n’avez rien de cassé ni aucune infection. » Des blessures même bénignes peuvent devenir très graves si elles ne sont pas bien traitées. Et d’entendre la jeune femme s’excuser de rajouter du travail à Jinah, lui mit la puce à l’oreille quant au manque flagrant de ses visites à l’hôpital. Elle lui sourit doucement. « Vous n’avez pas à vous excuser. Tout patient qui a besoin de soins mérite qu’on s’occupe de lui. » C’était son travail après tout. Elle avait baigné dans cet univers depuis toujours, avait étudié pendant de nombreuses années, et était maintenant devenue médecin chirurgienne. De quoi aurait-elle l’air si elle se plaignait d’avoir une patiente en plus ?
« Bon, je vais commencer par vous examiner si vous voulez bien ? » Jinah s’approcha de la jeune femme, attendant son accord avant de pouvoir commencer. « Vous vous appelez Kang Ryu Jin c’est bien ça ? Je peux vous demander d’où viennent ces blessures ? » Une question qu’elle était obligée de poser, des fois qu’une agression doive être rapportée à la police.
La jeune boxeuse soupira intêrieurement de soulagement lorsqu'elle se rappela alors son emploi du temps et constata que le lendeamin était alors son congé de la semaine. Ryu Jin n'était pas surprise qu'on lui demande de rester la nuit, ses blessures bien trop nombreuses pour qu'on la laisse repartir ainsi. Mais elle se sentit soulagée de ne rien avoir de plus grave que ça et qu'elle n'aie qu'à rester une nuit. L'argent ne manquait pas mais elle détestait devoir louper des séances et des cours.
Elle se sentait sourire en entendant la réflexion de la neurochirurgienne. Elle qui normalement détestait du plus profond de son coeur les hôpitaux, elle se sentait capable d'être en confiance en sa compagnie.
Ne trouvant pas de quoi lui répondre, elle ne fit que de hocher la tête simplement, acquiesçant ses propos.
Lorsque celle-ci lui demanda à nouveau si elle pouvait l'examiner, Ryu Jin hocha à nouveau la tête encore un peu sonnée et fatiguée pour utiliser des mots quand les gestes pouvaient amplement suffir.
- Oui, c'est bien ça.
Il lui fallut quelques secondes d'intervalles entre la suite de sa phrase, réfléchissant un minimum à ses prochaines paroles. Même si un médecin était un symbole de sécurité, elle ne pouvait pas lui révéler toutes les causes de ses blessures, surtout lorsqu'une majorité d'entre elles sont illégales. Elle partit alors avec ce qu'elle répondait à chacun de ses élèves ou civils.
- Je suis boxeuse professionnelle et professeure par la même occasion. Les répercussions peuvent parfois être rudes comme vous le voyez.
En soit, tout n'était que vérité, seulement quelque peu déformée.
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— Blouse blanche sur le dos, dossiers en main, c'était une journée comme elle en avait vécu tant d'autres à l'hôpital. Ou presque... Elle n'était plus juste la fille du directeur, elle n'était plus l'étudiante non plus, plus l'interne qui avait un diplôme à passer. Tout ça c'était fini. Elle était officiellement neurochirurgienne. Un dénouement prévisible après toutes ces années à étudier pour atteindre ce but. Elle était comme un poisson dans l'eau dans ces couloirs, et ce depuis toute petite. Gamine elle savait déjà qu'elle travaillerait en ces lieux, elle n'en avait jamais douté. Ça lui avait toujours semblé naturel.